
Les clés de succès de la formation en temps de crise
Tirer les bons enseignements de la crise du Covid
Avec la propagation du Covid-19 sur le territoire et la mise en place du confinement au printemps 2020, le monde de la formation a été bouleversé. Suite à la fermeture physique des établissements, beaucoup de structures ont dû repenser le cadre des formations pour s’adapter à la situation en « switchant » vers le « tout à distance » en un temps record.
Comment l’ont elles vécu ? Quels sont les facteurs clés de succès d’une formation ? Le présentiel qui semblait la règle en matière de formation va-t-il rester la norme ? Comment les apprenants ont-ils vécu cette nouvelle situation proche de l’autoformation ?
Les questions se bousculent ! Nous avons voulu en savoir plus pour vous donner des pistes de réflexion quant à la conception de dispositifs pérennes de formation adaptés aux évolutions de notre société.
1. Les formations face à la crise sanitaire
La suspension de l’accueil en formation
Dans un communiqué publié le 15 mars dans le cadre de la lutte contre la propagation du Covid-19, le Ministère du Travail avait demandé à tous les CFA et les organismes de formation de suspendre l’accueil en formation. La plupart des structures ont joué le jeu : une enquête conduite par la Dares entre le 8 et le 25 avril permet de mesurer les conséquences de la crise sanitaire sur le déroulement des formations des demandeurs d’emploi. L’étude a ainsi montré que deux tiers des formations ont été maintenues partiellement ou complètement, la plupart des formations maintenues étant assurées par des sessions à distance. Ce sont les formations les plus courtes ainsi que celles accueillant des publics moins qualifiés qui ont le plus souvent été suspendues, ainsi qu’une part importante des formations préalables à l’embauche.
Mais si certaines formations ont été momentanément stoppées, cela ne signifie pas forcément l'arrêt des apprentissages. Lorsque les formations ont été suspendues, 70 % des stagiaires déclarent avoir continué à travailler sur leurs sujets. De plus, des liens avec l’organisme de formation ont été quasiment toujours maintenus : dans plus de 60 % des cas, les stagiaires avaient la possibilité de contacter leur formateur et dans 30 % des cas, l’organisme a pu leur envoyer des supports de cours.
Du côté des formations labellisées GEN
Les formations ont dû faire preuve d’adaptation face à cette crise. La GEN a demandé à son réseau de privilégier les formations à distance ou en téléprésentiel pendant le confinement. Cependant, pour les formations qui ne pouvaient pas être réalisées à distance, un report de session a été proposé.
311 sessions de formation ont été impactées par le confinement (démarrage repoussé ou formation perturbée).
La GEN les a interrogées et a obtenu des informations pour 152 d’entre elles :
- concernant les 98 qui étaient en cours de déroulement, 69% sont passées au tout distanciel, 31% ont suspendu la session.
- pour les 54 formations qui devaient démarrer pendant le confinement : 13% sont passées en distanciel et 87% ont reporté la formation.
C’est aussi un bel élan de solidarité qui a pu être observé. Le réseau de la Grande Ecole du Numérique a mis en place de nombreuses initiatives visant à assurer la continuité pédagogique des formations à distance qui ont été répertoriées sur le site de la GEN dans une rubrique « Solidarité Covid-19 » spécialement créée pour l’occasion.
La réglementation de la formation professionnelle s’adapte à la crise
A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles ! Face à la fermeture des organismes de formation, la règlementation en matière de formation professionnelle a aussi dû s’adapter. Plusieurs mesures ont été mises en application dans le cadre d'une ordonnance publiée le 1er avril 2020 : prolongation des formations engagées sous contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, maintien des inscriptions au CFA des jeunes qui n'auraient pas encore trouvé de contrat d'apprentissage ou encore report des certifications professionnelles. L'obligation de certification des organismes de formation prétendant aux financements publics ou mutualisés est ainsi décalée au 1er janvier 2022 (au lieu du 1er janvier 2021).1
> Pour retrouver toute la réglementation Covid-19 en matière de formation professionnelle et d’apprentissage mise à jour en temps réel, rendez-vous sur le site de Centre Inffo.
La difficulté principale : maintenir la motivation des apprenants à distance
Dans le cadre d’un webinaire organisé par Campus Matin sur le thème « Digital Learning : quels premiers retours pédagogiques ? », les quelques 200 participants ont été invités à faire part de leurs retours pédagogiques suite à cette crise. Ils mettent en lumière aussi bien les aspects positifs (innovation, adaptation, pédagogie, collaboration, créativité, réactivité) que les difficultés rencontrées (organisation des examens, problèmes de connexion, baisse de motivation) face à cette situation sans précédent.
Les questions de l’évaluation et du maintien de la motivation des apprenants sont toujours centrales dans les formations GEN et ont été abordées par la Grande Ecole du Numérique dans son MOOC destiné aux formateurs sur le thème de « L’évaluation dans l’acquisition des compétences », réalisé en partenariat avec l’Université de Lille. Ce MOOC aborde les clés qui existent pour les formateurs pour évaluer sans juger ni décourager les apprenants, qui ont parfois connu l’échec scolaire.
2. Quels enseignements tirer de la crise ?
Etre mieux préparé au changement
Dans le webinaire de Campus Matin, Yves Condemine, Vice-président stratégie numérique Université Jean Moulin Lyon 3 et ancien DSI, conclue que « La continuité pédagogique a été assurée parce que nos outils étaient en place (…) les établissements d’enseignement supérieur ne sont pas partis de zéro, loin de là. »
Ainsi, c’est en y étant déjà préparés, avec des outils digitaux simples et déjà présents, que les organismes de formation ont pu répondre à la crise. « Le lien pédagogique distanciel doit reposer en priorité sur des solutions techniques plus tôt éprouvées et adaptées à des usages simples et intuitifs, je ne crois pas qu’une crise puisse être gérée avec des outils complexes ou testés au moment où la crise commence. »
Dans une tribune publiée sur Journal du Net, Anna Stepanoff, directrice de la Wild Code School va dans le même sens : « Tout était déjà là, mais on ne l’avait pas encore pleinement réalisé. La crise actuelle a accéléré radicalement notre transition numérique collective. Les formations en ligne ont un boulevard devant elles. »
Connaître les 5 piliers du succès de la formation en temps de crise
La situation inédite à laquelle ont été confrontés les établissements et organismes de formations induira très probablement une différence dans la manière de penser la formation dans le monde d’après. La crise a accéléré la transition vers le digital.
Dans le cadre du webinaire « Les 5 clés de succès de la formation en temps de crise, et après ! » organisé par 7Speaking en mai 2020, Yannig Raffenel, CEO de Blended Learning et Olivier Magnin, COO de 7Speaking, mettent en lumière les facteurs clés de succès d’une formation dans un contexte de crise.
1. Prendre le meilleur du digital et du présentiel : l’avènement des formations hybrides
Il est important de ne pas penser la formation en opposant le digital au présentiel. Une bonne formation résiderait dans un système de blended learning où on prendrait le meilleur du présentiel et le meilleur du digital, qui permettrait de maximiser l’efficacité de la formation.
A l’occasion de la conférence de presse annuelle organisée par la Grande Ecole du Numérique en juin 2020, le sujet a été évoqué. Jean-Marie Marx, haut-commissaire aux compétences et à l'inclusion par l'emploi, l’a annoncé : « l’avenir de la formation réside dans l’hybridation ».
2. Miser sur la pédagogie par projet
Le Learning by doing permet aux apprenants de s’approprier les savoirs par le biais d’un projet à réaliser qui constitue un point d’entrée du parcours de formation. Ce qui va motiver l’apprenant ce n’est pas d’apprendre mais de se servir de ce qu’il a appris pour fabriquer quelque chose.
Cette pédagogie est reconnue au sein des formations labellisées GEN qui s’illustrent pour certaines comme des pionnières en la matière.
3. Tirer parti du social learning et du mentorat
« On apprend toujours seul mais jamais sans les autres. » Cette citation de Philippe Carré, professeur d’Université, illustre parfaitement la logique de l’apprentissage par les autres, le social learning, qui permet d’optimiser ses propres apprentissages, avec par exemple un système de correction par les pairs. Le mentorat est quant à lui un véritable soutien pour maintenir la motivation des apprenants et vient en appui au travail effectué par les équipes pédagogiques des formations.
4. Mettre en place des outils personnalisables, adaptables et responsifs
Les outils digitaux permettent d’utiliser des ressources pédagogiques sur tous types de devices : smartphone, ordinateur, tablette. L’accès aux contenus de formation est multiple et permet ainsi d’individualiser et personnaliser les contenus et parcours de formation en fonction des objectifs, contraintes et préférences des apprenants.
5. Penser à la certification des apprenants
La certification est très motivante pour les apprenants qui pourront valoriser les compétences acquises lors de la formation sur leur CV.
Ici encore le MOOC de la Grande Ecole du Numérique met l’accent sur l’évaluation comme outil de reconnaissance et de motivation notamment avec les open badges, dispositif numérique qui permet de reconnaître l’acquisition de connaissances et le développement de compétences et donc de valoriser ses acquis et booster son employabilité. Utilisés pour éviter le décrochage et motiver les apprenants dans une approche de gamification (dans les jeux vidéo à l'origine), les open badges sont mis en place en particulier dans le cadre des programmes de formation à distance ou de MOOC.2
La formation au numérique comme solution face à la crise économique
Dans son rapport publié en juin 2020, l’Observatoire des Métiers du Futur analyse les changements dus aux nouvelles technologies et leur impact sur les métiers. Parmi ces changements : une évolution dans les modes de recrutement, avec un passage d’une démarche de recherche de compétences à une recherche de potentiel. Le critère principal de recrutement serait plutôt le potentiel et la capacité à apprendre en permanence du collaborateur plutôt que son expérience.
Les experts notent également que si la transformation digitale ne date pas d’hier, elle semble désormais inévitable suite à la crise sanitaire de 2020. Ce n’est pas pour rien que l’on retrouve celle-ci parmi les 7 recommandations du think tank : « réaliser une véritable transformation digitale en plaçant l’humain au centre ».
La formation semble donc incontournable pour accompagner cette transition et faire face à la crise économique.
Le sujet était d’ailleurs au cœur des débats de la conférence de presse des chiffres clés de la Grande Ecole du Numérique qui a réuni autour de la table, Cédric O, secrétaire d’Etat au numérique, Jean-Marie Marx, haut-commissaire aux compétences et à l'inclusion par l'emploi, Stéphane Distinguin, président de la Grande Ecole du Numérique et Samia Ghozlane, directrice de la Grande Ecole du Numérique. Les grandes entreprises numériques ne sont pas les seules à devoir reprendre leur activité, c’est aussi le cas de petites entreprises qui ont été contraintes de numériser leur activité pour affronter les défis de cette période. Elles ont besoin de talents du numérique ; tout comme les startups.
« Aujourd’hui l’un des premiers freins à la transformation numérique de l’économie et à la croissance des startups françaises, c’est la capacité à recruter à tous les niveaux de diplômes. On a besoin de ce que fait la Grande Ecole du Numérique qui forme des personnes qui viennent alimenter la croissance française » a notamment déclaré Cédric O.
Pour encourager et inciter les entreprises à continuer à recruter des salariés en contrat d’apprentissage malgré le contexte économique difficile et soutenir le recrutement des jeunes, le Ministère du Travail a mis en place une aide exceptionnelle d’un montant de 5 000 euros pour le recrutement d’un apprenti mineur et de 8 000 euros pour un apprenti majeur pour les contrats signés à compter du 1er juillet 2020 et jusqu’au 28 février 2021.3
La crise du Covid-19 a permis de confirmer que la formation est essentielle pour faire face aux défis de notre temps. « Ce qui se joue à travers le numérique et ce qui se joue à travers la Grande Ecole du Numérique est vraiment un sujet d’intérêt général et d’intérêt national ».
Sources :
2. Quels usages pour les Open Badges dans l’enseignement supérieur ? Analyse de la diffusion d’une innovation à l’IAE Caen, Sylvie Cieply et Isabelle Grand