
Le cadre réglementaire de la formation à distance
Avec la crise sanitaire et la mise en place des périodes de confinement pour freiner l’épidémie de Covid-19, le monde de la formation professionnelle a dû s’adapter et poursuivre les formations en distanciel pour assurer la continuité pédagogique au cours du printemps 2020. D’après une enquête menée par le forum des acteurs de la formation digitale (Fffod), 79,4% des organismes de formation ont mis en place du distanciel pendant le confinement pour assurer la continuité pédagogique.
Cette crise sans précédent a permis de mettre en lumière les avantages (mais aussi les inconvénients) des modules de formation à distance et de dessiner un changement durable dans la digitalisation de la formation. 91% des professionnels RH pensent que cette digitalisation s’inscrira dans le temps et impactera toutes les activités dont la formation d’après une enquête réalisée par le cabinet UNOW.
En tant qu’organisme de formation, vous souhaitez vous inscrire dans cette digitalisation en faisant évoluer votre catalogue de formation ? Votre projet est de proposer des modules 100% en ligne ou passer à un modèle hydride de « blended learning » qui mixe les enseignements en présentiel et en ligne ? Le passage à la formation à distance ne se limite pas à mettre en ligne des cours. Les actions de formation conduites de manière ouverte et/ou à distance sont soumises aux règles générales applicables à toute action de formation. La loi n’impose ni la technologie de communication ni de temps de présence minimum en face-à-face pédagogique, mais un cadre réglementaire encadre ces formations. La GEN vous aide à y voir plus clair !
Les règles juridiques
1. Cadre général
La FOAD (formation ouverte et/ou à distance) se distingue de la formation en présentiel dans la mesure où tout ou partie des enseignements sont dispensés à distance et permettent à chaque apprenant de progresser à son rythme. Il peut s’agir de cours par correspondance, de MOOC ou encore de formations en e-learning. La FOAD peut constituer, en tout ou partie, l’une des modalités du parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel.
La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a inscrit la FOAD dans le Code du Travail. Elle précise que la formation « peut s'effectuer en tout ou partie à distance, le cas échéant en dehors de la présence des personnes chargées de l'encadrement. »
La réforme de la formation professionnelle de 2018 avec la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel précise que « l'action de formation se définit comme un parcours pédagogique permettant d'atteindre un objectif professionnel. » Elle peut être réalisée en tout ou partie à distance et également être réalisée en situation de travail.
2. Mise en œuvre de la formation
Avec le décret du 28 décembre 2018 relatif aux actions de formation et aux bilans de compétences, l’article D6313-3-1 du Code du Travail indique que la mise en œuvre d'une action de formation en tout ou partie à distance doit comprendre :
- Une assistance technique et pédagogique appropriée pour accompagner le bénéficiaire dans le déroulement de son parcours
- Une information du bénéficiaire sur les activités pédagogiques à effectuer à distance et leur durée moyenne
- Des évaluations qui jalonnent ou concluent l'action de formation.
Ces trois conditions sont cumulatives.
3. Contractualisation
D’après l’article L6353-1 du Code du Travail, une convention doit être conclue entre l'acheteur et l'organisme qui les dispense.
En fonction du financeur de la formation (par un opérateur de compétences, l’Etat, la Caisse des dépôts et consignations, le stagiaire lui-même), les conditions de convention diffèrent.
L’article D6353-1 du Code du Travail précise ces différents cas :
Cas numéro 1
Lorsque ces actions de formation sont financées « par un organisme mentionné à l'article L. 6316-1 ou par un organisme habilité à percevoir la contribution de financement mentionnée aux articles L. 6331-48 et L. 6331-54 », la convention doit comporter :
- l'intitulé, l'objectif et le contenu de l'action, les moyens prévus, la durée et la période de réalisation, ainsi que les modalités de déroulement, de suivi et de sanction de l'action
- le prix de l'action et les modalités de règlement.
Cas numéro 2
Lorsque ces actions de formation sont financées « par un organisme mentionné à l'article L. 6316-1 ou par un organisme habilité à percevoir la contribution de financement mentionnée aux articles L. 6331-48 et L. 6331-54 », les bons de commandes ou les devis approuvés peuvent tenir lieu de la convention prévue s'ils satisfont à ses prescriptions, ou si une de leurs annexes y satisfait.
Cas numéro 3
Lorsque ces actions de formation sont financées par la « Caisse des dépôts et consignations et mises en œuvre dans le cadre du compte personnel de formation, les conditions générales d'utilisation du service dématérialisé mentionnées à l'article L. 6323-9 tiennent lieu de la convention pour le prestataire et le titulaire du compte. »
4. Justification de la réalisation
L’article R. 6313-3 du Code du Travail précise que « la réalisation de l'action de formation composant le parcours doit être justifiée par le dispensateur par tout élément probant » afin de prouver la réalité et la durée de la formation.
Un modèle de certificat de réalisation est téléchargeable sur le site du Ministère du Travail : Télécharger le certificat
Pour mieux comprendre le cadre et les contraintes administratives qui encadrent la formation à distance, vous pouvez consulter le guide de bonnes pratiques réalisé par le forum des acteurs de la formation digitale (Fffod) en octobre 2019
Vous découvrirez en détail quelles sont les conditions de fond et de forme pour la mise en place des parcours de formation multimodaux (qui intègrent des séquences à distance).
Conseils pratiques
Nous avons interviewé Johann Vidalenc, responsable financement et certifications chez Unow, qui est, entre autres, en charge de décrypter la règlementation de la formation. Il nous apporte ses conseils et décode pour la GEN les grandes lignes juridiques de la formation à distance.
« La réglementation a reconnu la formation à distance, qui figure désormais dans la loi. Il y a eu récemment beaucoup d’évolutions réglementaires, notamment en termes de pièces justificatives à fournir aux financeurs. » explique-t-il. « Désormais, le seul justificatif à fournir en-dehors de la facture, c’est le certificat de réalisation. Les relevés de connexions, les feuilles d’émargement qui étaient demandés comme preuve pour bénéficier de fonds ne sont plus obligatoires. »
Attention, cela ne signifie pas qu’il ne faut plus de preuve ; un certificat de réalisation ne se produit pas seul ! Vous devez toujours être en mesure de fournir des éléments tangibles pour justifier de la production de ce certificat, notamment en cas de contrôle. Cela peut concerner « des éléments probants tels que des relevés de connexion ou les preuves de validation de modules permettant de voir l’état d’avancement de la formation. »
Tout va dépendre de la nature de la formation et des outils utilisés. Il faut garder un suivi et une traçabilité de l’assiduité des apprenants pour prouver la réalisation de la formation en cas de contrôle.
Comment rester à jour ?
La veille réglementaire est essentielle. Elle fait ainsi partie des indicateurs de la certification Qualiopi (indicateur 23).
- « Chacun organise et structure sa veille comme il veut. Cela peut passer par des abonnements à la presse spécialisée (Centre Inffo, AEF, Newstank). »
- N’oubliez pas les réseaux sociaux, comme le conseille Johann Vidalenc, et plus spécifiquement « LinkedIn, qui regorge de bons conseils. Vous pouvez vous abonner à des mots-clés spécifiques ou bien suivre des spécialistes de la question », comme par exemple Jean-Pierre Willems (spécialiste du droit de la formation et du droit du travail) et Sabrina Dougados (avocate spécialisée dans la formation professionnelle)
- Enfin, de nombreux webinaires sont organisés pour se tenir à jour (de nombreux webinaires sont par exemple accessibles sur le site de Webikeo).
Si vous avez besoin d’un accompagnement humain, de nombreux consultants et cabinets sont présents sur le marché, mais cela a un coût. Néanmoins, le Plan de relance annoncé par le gouvernement a prévu de mobiliser une enveloppe globale de 360 millions d’euros pour soutenir la digitalisation de l’appareil de formation, créer de nouveaux contenus pédagogiques et accompagner la montée en gamme de la FOAD (Formation ouverte et à distance). L’aspect opérationnel de cet axe devrait être déployé en 2021. A suivre donc !
Pour conclure, n’oubliez pas qu’il ne faut pas vous forcer à passer au distanciel, au risque de constater un niveau de qualité moindre de vos formations : « Dans une formation à distance, les besoins des apprenants ne sont pas les mêmes. On ne peut pas se contenter de passer une formation en présentiel à une formation à distance sans repenser la pédagogie. Il faut que cela participe à une stratégie plus globale, et il faut la penser comme une formation à distance avant tout. »