« Aujourd’hui, seulement 4% des sites internet sont réellement accessibles à tous » en France, nous affirme Amath Ndiaye, co-fondateur de Bakhtech, société en informatique spécialisée dans l’accessibilité numérique, lauréate de la dernière édition des Diversidays et de Live For Goods. Quand on sait que « plus de 10% de la population française est impactée par l’accessibilité numérique » ce chiffre sur l’accessibilité des services numériques interpelle. Début février, le Conseil national du numérique (CNNum) a remis aux ministres un rapport contenant 50 recommandations pour améliorer l'accessibilité des services numériques dans trois secteurs clés, particulièrement concernés par la transformation numérique : l’accès à la citoyenneté, à la culture et au savoir.1 Quelles sont les obligations légales ? Comment sensibiliser apprenants et formateurs à cette question ? Et qu’est-ce que l’accessibilité numérique ? Tour d’horizon sur le sujet.
Qu'est-ce que l'accessibilité numérique ?
L’accessibilité numérique peut être définie comme l’ensemble des pratiques visant à rendre accessibles les services numériques à toute personne, qu’elle soit ou non en situation de handicap (visuel, auditif, moteur, trouble dys…)2. Comme le précise Amath Ndiaye, co-fondateur de Bakhtech « il s’agit principalement de règles et normes que le développeur doit respecter dans son code. Il existe aussi quelques critères à respecter dans le design. »
La question de l’accessibilité numérique se concrétise en 1997 avec la Web Accessibility Initiative (WAI) lancée par le World Wide Web Consortium (W3C). L’idée est de proposer des solutions techniques accessibles aux personnes handicapées. La WAI développe ainsi plusieurs recommandations et notamment les « règles d'accessibilité pour les contenus web » ou WCAG (pour l'anglais Web Content Accessibility Guidelines). Ces recommandations en matière d’accessibilité du Web sont devenues une norme internationale en 2012 (norme ISO).
Les grands principes de l'accessibilité numérique
Le World Wide Web Consortium définit les 4 grands principes pour rendre les contenus Web plus accessibles aux personnes en situation de handicap. Ainsi, un site web se doit d’être :
Perceptible
- Proposer des équivalents textuels à tout contenu non textuel qui pourra alors être présenté sous d'autres formes selon les besoins des utilisateurs : grands caractères, braille, synthèse vocale, symboles ou langage simplifié
- Proposer des versions de remplacement aux médias temporels (audio et vidéo)
- Adapter le contenu de différentes manières sans perte d’information (avec une mise en page simplifiée par exemple)
- Distinguable : faciliter la perception visuelle et auditive du contenu par l'utilisateur, notamment en séparant le premier plan de l'arrière-plan
Utilisable
- Rendre toutes les fonctionnalités accessibles au clavier
- Laisser à l'utilisateur un délai suffisant, c’est-à-dire suffisamment de temps pour lire et utiliser le contenu
- Crises : ne pas concevoir de contenu susceptible de provoquer des crises
- Le site doit être navigable et fournir à l’utilisateur des éléments d’orientation pour naviguer, trouver le contenu et se situer dans le site
Compréhensible
- Rendre le contenu textuel lisible et compréhensible
- Faire en sorte que les pages apparaissent et fonctionnent de manière prévisible
- Assistance à la saisie : aider l'utilisateur à éviter et à corriger les erreurs de saisie
Robuste
- Optimiser la compatibilité : le contenu doit être suffisamment robuste pour être compatible et interprété de manière fiable par une large variété d'agents utilisateurs, y compris les technologies d'assistance
Source : World Wide Web Consortium
En France, le référentiel national est le RGAA (Référentiel Général d'Amélioration de l'Accessibilité) établi par la DINSIC (direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État). La dernière version du RGAA (version 4) date du septembre 2019 et présente les obligations à respecter en matière d’accessibilité numérique ainsi qu’une liste de critères pour vérifier la conformité d’une page web : découvrir la liste des critères à respecter.
Pourquoi c'est important ?
L’accessibilité des services numériques constitue une obligation légale dans certains cas : le secteur public est tenu à une obligation d’accessibilité numérique depuis la loi du 11 février 2005 “Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées” et depuis juillet 20193, elle concerne aussi le secteur privé pour les entreprises générant un chiffre d’affaires annuel de plus de 250 millions d’euros.
Outre cette obligation légale, l’accessibilité numérique est importante pour permettre à toute personne de consulter et interagir avec les contenus sans discrimination. Les personnes en situation de handicap sont trop souvent exclues des services numériques, comme le déplore Amath Ndiaye « Nous sommes à l’ère du numérique où presque tout passe par le numérique (éducation, culture, loisirs, travail, etc.). Et encore aujourd’hui seuls 4% des sites et applications sont accessibles aux personnes handicapées, qui représentent plus de 10% de la population. Cela est un frein à leur autonomie, leur liberté et leur employabilité. »
L’accessibilité numérique présente également de réels avantages pour tous les utilisateurs, en situation de handicap ou non, car le service est de meilleure qualité, en faisant preuve d’une meilleure ergonomie et d'une plus grande facilité d’utilisation grâce au respect des différents critères énoncés plus haut.
Amath Ndiaye confirme : « Cela présente de réels avantages économiques : plus d’utilisateurs, meilleur SEO, meilleure image, etc. Prendre en compte l’accessibilité numérique, c’est augmenter ses revenus et son impact. »
Les délais de mise en conformité : Dates à retenir
Pour les administrations qui étaient déjà soumises à l’obligation de conformité, et pour les entreprises nouvellement concernées, les dates limites pour la mise en conformité (respect des normes d’accessibilité) sont les suivantes :
- Nouveaux sites (sites créés depuis le 23 septembre 2018): 23 septembre 2019
- Sites existants (sites créés avant le 23 septembre 2018): 23 septembre 2020
- Applications mobiles, progiciels, mobilier urbain numérique : 23 juin 2021
Comment faire ?
Avoir un site accessible : bonnes pratiques et respect des normes
Les normes d’accessibilité présentées plus haut constituent un socle de base pour bâtir un site web ou une application accessible. Il est important que les équipes opérationnelles s’approprient les normes, en parallèle d’un travail de fond grâce notamment aux ressources accessibles en ligne.
Amath Ndiaye nous explique : « Sur le web il faut veiller à respecter les normes d’accessibilité WCAG, RGAA. Sur mobile (iOS ou Android), il faut se référer aussi aux guidelines respectifs. Nous avons développé une plateforme qui centralise les principales ressources sur l’accessibilité dont certaines de Bakhtech, accessible à cette adresse : accessibility-lovers.com Au-delà du respect des normes, on peut davantage améliorer l’expérience de ces personnes. Le respect des normes étant une bonne base et un bon début. »
Ainsi, il conseille de « s’appuyer sur les ressources sur Internet et des structures comme Bakhtech qui peuvent au besoin vous faciliter le travail. »
Focus sur Bakhtech : société en informatique axée sur l’accessibilité numérique
Aimé Galmi et Amath Ndiaye, les deux co-fondateurs de Bakhtech, sont lauréats de l’édition 2019 des Diversimakers d’Ile-de-France. Décernés par Diversidays, un collectif national d'acteurs en faveur de l'émergence des talents de la diversité dans le numérique, et partenaire de la GEN, les trophées des Diversimakers mettent en lumière, lors de tremplin régionaux, des initiatives innovantes portées par des talents de la diversité face à des décideurs et citoyens engagés.
« Bakhtech est une société en informatique axée sur l’accessibilité numérique. Nous accompagnons nos clients en réalisation ou en conseil pour des sites et applications accessibles à tous. Par ailleurs, nous travaillons à faciliter davantage l’accessibilité numérique en utilisant l’intelligence artificielle » nous explique son co-fondateur.
Vous souhaitez en savoir plus sur l’entreprise ? http://bakhtech.com/
Former les développeurs et les formateurs
En sensibilisant les développeurs dès leur formation, cela leur permet d’acquérir les bases et des bonnes pratiques dans leur manière de coder. Or, c’est encore trop peu le cas aujourd’hui alors que le sujet gagne à être connu.
« Je pense qu’il est nécessaire que les développeurs soient formés au sujet. C’est encore très peu le cas aujourd’hui en France. Je connais énormément d’écoles, d’universités, et j’en connais une seule qui forme ses étudiants au sujet. Même parmi les développeurs le sujet est peu connu. Une enquête de Bakhtech réalisée auprès des développeurs révèle que seulement 5% des développeurs connaissent assez bien le sujet. »
Pour pallier à ce manque de connaissance sur le sujet, Amath Ndiaye propose de former dans un premier temps les formateurs des formations labellisées GEN :
« On peut faire évoluer positivement les choses. La GEN, de par sa position et son influence, peut avoir un rôle éminemment important. Je pense qu’il faudrait que les formateurs de la GEN se forment progressivement à la question pour ensuite l’intégrer aux formations de leurs étudiants et surtout l’ajouter aux critères d’évaluation. »
Si la législation et la sensibilisation peuvent faire évoluer les services numériques dans le bon sens, il y a encore du travail, comme le conclut justement Amath Ndiaye :
« Vous en conviendrez avec moi : avec seulement 4% de sites ou applications accessibles, la France a une marge de progression énorme et nous avons tous un rôle à jouer. »
Vous êtes intéressé.e par le sujet ? Contactez les experts de Bakhtech
4 questions à Thibaut de Martimprey, association GIAA apiDV
« Presque un développeur sur 2 n’a jamais entendu parler de l’accessibilité numérique »
Nous avons interrogé Thibaut de Martimprey, bénévole au sein de l'association GIAA apiDV Accompagner, Promouvoir et Intégrer les Déficients Visuels. Le 6 novembre 2020, l'association organise un Forum sur le Numérique et les pratiques innovantes au service des déficients visuels. L'objectif ? Mobiliser les déficients visuels en montrant que les innovations peuvent leur apporter de nouvelles opportunités, professionnelles et culturelles, et convaincre les acteurs économiques et les pouvoirs publics de la nécessité de veiller à ce que ces innovations tiennent compte des besoins de tous, et notamment des déficients visuels.
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