
Attirer davantage de femmes dans les formations au numérique
Engagée en faveur de la mixité, la Grande Ecole du Numérique a pour ambition de former au minimum 30% de femmes au sein de ses formations labellisées d’ici la fin de l’année. Cependant, il n’est pas forcément évident pour les formations de recruter des femmes. Comment attirer les femmes dans des formations auxquelles elles ne pensent pas ? Comment créer des vocations aux métiers du numérique alors que les stéréotypes ont la vie dure ? Nous avons enquêté auprès de deux écoles qui proposent des formations labellisées GEN : 42 et ENI Ecole Informatique. Tour d’horizon des bonnes pratiques à mettre en place.
70% des salariés du numérique sont des hommes. Dans une infographie publiée en février 2019, Pôle emploi dressait le portrait-robot d’un travailleur du numérique en France : un homme (70%) entre 30 et 39 ans (29%) qui travaille en CDI (93%) en Ile-de-France (46%).
« Il y a du travail », affirme Estelle Adam, directrice de ENI Ecole Informatique Bretagne et référente sur l’égalité femme-homme, lorsqu’elle nous raconte ce jour où elle s’est rendue dans un collège de Bretagne pour parler du numérique. Sur 60 jeunes filles, pas une seule n’a levé la main quand elle leur a demandé si elles avaient déjà pensé au numérique. Sophie Viger, directrice de l’Ecole 42, va aussi dans ce sens : « On se retrouve dans une sorte de tautologie. Comme il n’y a que des hommes, on s’imagine qu’il faut être un homme pour coder ».
Pourtant, l’importance d’avoir des équipes mixtes a été démontré et Sophie Viger l’explique très bien : « On constitue des algorithmes qui vont avoir un impact redoutable sur des aides à la prise de décision (dans les domaines de la banque, de la sécurité, la santé) sans prendre en compte l’ensemble de l’humanité, et cela crée des biais ». De plus, on se retrouve dans un cas paradoxal, avec d’un côté une situation de chômage et de l’autre un secteur porteur à la recherche de talents. « On se prive de la moitié du potentiel alors qu’en parallèle on a des demandes très fortes de recrutement » résume Estelle Adam.
Agir « sur le terrain » pour casser les stéréotypes et les préjugés
Un exemple concret d’événement pour s’inspirer
Estelle ADAM, de ENI Ecole Informatique, nous raconte l’événement « Femmes et Numérique » organisé le 9 octobre dernier en partenariat avec la CCI de Quimper et la French Tech Brest Plus. Véritable succès avec plus de 120 femmes présentes, cet événement rassemblait d’autres organismes de formation, la Région Bretagne, le Pôle Emploi, la Mission Locale, et un certain nombre d’acteurs du recrutement sur le territoire.
« Le but est de casser les stéréotypes et les préjugés sur l’accessibilité au numérique et de montrer qu’il est possible qu’on soit un homme ou une femme d’accéder aux métiers du numérique à tout moment de sa vie avec des formations adaptées. On croit beaucoup aux témoignages et à l’exemple, de manière à susciter l’envie et enlever les barrières et les peurs qu’on peut avoir quand on est dans le cadre d’une reconversion professionnelle. »
Au programme de cette journée :
- des ateliers concrets pour découvrir les métiers du numérique
- des conseils sur l’orientation et la construction de son projet
- une plénière avec des témoignages de femmes qui ont monté leur entreprise dans le numérique, des témoignages de jeunes filles et de femmes en formation dans le numérique et en poste : des profils différents, pour correspondre à la fois à des jeunes en cursus d’étude classique mais également à des femmes en reconversion.
Toutes ces actions semblent porter leurs fruits puisque suite à cet événement, plusieurs personnes ont sauté le pas et sont en formation aujourd’hui !
Etre impliqué sur le territoire avec des partenaires locaux
Pour avoir plus d’impact, Estelle Adam conseille également de s’associer avec les autres organismes de formation pour porter le même message. Par exemple en participant à des tables rondes et parlant d’une seule voix comme cela a pu être fait lors du Printemps du Numérique à Rennes. Il ne faut pas hésiter à travailler avec des partenaires locaux pour renforcer le message et toucher le plus grand nombre de femmes et cumuler les initiatives : participation à des tables rondes, séminaires, des groupes de travail, témoignages ; rencontres au sein des Missions Locales ou Pôle Emploi ; adhésion à des associations de quartier ou autre…
Quelques exemples d’associations, fondations et start-ups engagées pour la mixité à solliciter :
- Social Builder, qui porte le projet Women in Digital en partenariat avec la GEN : https://socialbuilder.org/
- Femmes@Numérique, une fondation qui promeut la place des femmes dans le secteur du numérique : https://femmes-numerique.fr/
- Talents du Numérique, un think tank qui réunit des acteurs majeurs du numérique : https://talentsdunumerique.com/
- Estimnumérique, le mouvement all inclusive du numérique : https://estimnumerique.com/
- Girlz in web, qui valorise l'action des femmes dans le numérique et fédère un réseau d'expertes : http://girlzinweb.com/
- ADN Ouest, une association des décideurs du numérique : https://www.adnouest.org/
- Ladies of Code, qui rassemble les femmes qui codent : https://paris.ladiesofcode.com/
- WiFille, un programme d’initiation aux métiers techniques de l’informatique à destination des filles : http://wifilles.org/
Contrer les préjugés dès le plus jeune âge
Comme le rappelle Sophie Viger, c’est « notre devoir de se rendre compte que c’est un sujet important, de permettre à plus de femmes et de personnes de rentrer dans le monde du numérique. Il y a des talents qui s’ignorent, qui pensent que c’est quelque chose très inaccessible alors que ça ne l’est pas.» Estelle Adam ajoute « Souvent on se dit qu’il faut avoir un bac +5, être hyper bon en maths pour être informaticien.ne alors que ce n’est pas la réalité » Et cela commence dès le plus jeune âge. « Il faut que l’éducation change et là il y a un réel travail à l’école (…) On a des manuels scolaires où 96% des métiers scientifiques sont représentés par des hommes » déplore Sophie Viger.
42 et ENI Ecole Informatique ont donc décidé de mettre en place des actions avec l’Education Nationale pour aller voir des jeunes filles de collèges et de lycées et leur parler du numérique, avec des entreprises ou des associations. L’idée est de leur montrer que l’avenir est entre leurs mains, de leur ouvrir le champ des possibles et d’en faire des ambassadrices qui vont « porter la bonne parole » et témoigner que le numérique peut être un milieu passionnant et accessible.
Ces initiatives sont importantes car elles permettent une véritable prise de conscience chez les jeunes filles : « Elles se rendent compte au travers des événements qui sont créés que c’est possible et s’offrent cette chance de pouvoir y accéder » explique Estelle Adam.
Faire de votre formation, une formation Women friendly
Nommer des référents sur l’égalité femme-homme
Nommer un ou des référents mixité / égalité femme-homme en interne est une démarche à adopter. Cela permettra notamment de mettre en place des actions au sein de l’école et auprès du personnel et de suivre la participation de la formation aux événements de sensibilisation. Le référent pourra s’assurer de l’adoption des bonnes pratiques !
Sensibiliser et former les équipes et les apprenants à la mixité
Il parait essentiel de sensibiliser les équipes au sein même de la formation : formateurs, équipes relations école-entreprise, équipes administratives pour une prise de conscience générale sur les questions relatives à la mixité et pour casser les préjugés et adopter un langage commun. Cette sensibilisation sur l’égalité femme-homme doit se faire également auprès des apprenants (formation, participation à des tables-rondes, témoignages).
Des journées de sensibilisation sont par exemple organisées par ENI Ecole Informatique pour les apprenants sur différents sujets (dont l’égalité femmes-hommes). Estelle Adam explique : « C’est important car ils (les apprenants ndlr) sont déjà des professionnels ou de futurs professionnels. Il faut donc leur faire prendre conscience des enjeux de notre société dans leur vie professionnelle. Par exemple : comment permettre une accessibilité à un poste aussi bien à une femme qu’à un homme »
Travailler l’image de l’école
Sophie Viger explique que changer l’image de l’école peut se faire avec des actions très simples :
- Adapter sa communication : communiquer sur les réseaux sociaux auprès des femmes, mettre des femmes en avant sur le site internet de l’école
- Créer un espace sécurisant : créer une adresse mail dédiée pour alerter les équipes pédagogiques en cas de problème
- Créer des locaux accueillants pour les femmes
- Organiser des événements internes en faisant venir des rôles modèles féminins, des speakeuses : consulter les témoignages de femmes du numérique de Femmes@Numérique
- Créer un réseau interne

A retenir
Casser les stéréotypes et les préjugés et permettre aux femmes de « sauter le pas » grâce à des événements et une implication sur le territoire
- Organiser des ateliers pour susciter l’envie et déconstruire les stéréotypes
- S’impliquer sur le territoire avec les partenaires locaux en participant à des évènements, en adhérant à une association, en rejoignant un groupe de travail
- Contrer les préjugés dès le plus jeune âge en allant dans les collèges et lycées
Faire de votre formation, une formation Women friendly grâce à des actions internes
- Nommer des référents sur l’égalité femme-homme au sein de votre structure
- Sensibiliser et former les équipes et les apprenants à la mixité pour adopter un langage commun
- Travailler l’image de l’école en adaptant sa communication
- Créer un espace et des locaux accueillants et sécurisants pour les femmes
- Faire appel à des rôles-modèles féminins